La concupiscence du cénobite ! Nombre de mots
laissent deviner leur sens dans leur forme même, leur sonorité
en particulier. Que l’on pense entre autres, aux suivants : abracadabra,
bringuebaler, clinquant, dégingandé, friselis, hurluberlu,
lallation, perlimpinpin, tarabiscoté, tintinnabuler… D’autres
en revanche, s’avèrent opaques, jusqu’à prendre
un sens tout à fait différent de l’originel. Avatar
: au sens strict, une métamorphose ; aujourd’hui un dommage
(sous l’influence d’aventure et d’avanie).
Cramoisi : rouge, tirant sur le violet ; mais on y entend plutôt
le « moisi », voire le « crasseux ». Glauque
: de couleur verte, rappelant l’eau de mer ; utilisé aujourd’hui
dans le sens de « trouble ». Ingambe : de l’italien
in gamba (en jambe), autrement dit « alerte » ; on
y entendrait plutôt « qui n’a pas de jambe » ! Linéament
: le trait général (d’un visage, par exemple) ; et non
les sinuosités ligamenteuses ! Valétudinaire : qui
n’a rien à voir avec les études ou les valets, mais
qui signifie « maladif » !
Enfin, il est des mots qu’on hésite à employer, pour
les sens indésirables qu’ils évoquent. On pensera à
la bitte (d’amarrage), au cénobite (un moine),
au concubin, au consensus… et surtout à la
concupiscence ! Ce mot du vocabulaire religieux désigne
le « penchant au plaisir des sens ». « Qui oserait
parler, écrit joliment Bossuet, de cette concupiscence, qui lie l’âme
au corps par des liens si tendres et si violents, dont on a tant de peine
à se déprendre, et qui cause aussi dans le genre humain de
si effroyables désordres ? » [Thierry Leguay, Les
Poules du couvent couvent]
Certains mots possèdent deux pluriels, correspondant
parfois à des sens différents :
De l'ail : des ails ou des aulx (vieilli).
Un aïeul : des aïeux (= ancêtres), des
aïeuls (= grands-pères).
Banal : banals (= ordinaires), banaux (= qui
appartiennent au ban, le territoire d'un suzerain : des moulins
banaux).
Ciel : les cieux (pour désigner l'ensemble de la
voûte céleste, et bien sûr dans un sens religieux : « Notre
père, qui êtes aux cieux... »), les ciels
(pour évoquer une partie de la voûte céleste : les
ciels de l'Italie, ou les ciels de lits...).
Un œil : des yeux, mais les œils des aiguilles
et des meules, des œils-de-bœuf, des œils-de-perdrix...
Un travail : des travaux, mais des travails,
quand on parle d'un appareil à ferrer les chevaux. Ce mot est d'origine
latine ; pour les anciens Romains, en effet, « travailler »,
c'est torturer avec le tripalium !
[Thierry Leguay, Les poules couvent au couvent]
Deux emplois contradictoires d'une même expression :
Tenir le crachoir.
Loc. fam. Tenir le crachoir : parler sans arrêt. Tenir
le crachoir à qqn, l'écouter sans pouvoir placer un mot.
[Le Petit Robert]
Homographes, mais pas du tout homophones :
- Nous portions nos portions.
- Les poules du couvent couvent.
- Mes fils ont cassé mes fils.
- Il est de l'est.
- Je vis ces vis.
- Cet homme est fier. Peut-on s'y fier ?
- Nous éditions de belles éditions.
- Nous relations ces intéressantes relations.
- Nous acceptions ces diverses acceptions de
mots.
- Nous inspections les inspections elles-mêmes.
- Nous exceptions ces exceptions.
- Je suis content qu'ils nous content cette
histoire.
- Il convient qu'ils convient leurs
amis.
- Ils ont un caractère violent et ils violent leurs
promesses.
- Ces dames se parent de fleurs pour leurs parents.
- Ils expédient leurs lettres ; c'est un bon expédient.
- Nos intentions c'est que nous intentions un
procès
- Ils négligent leur devoir ; moi, je suis moins négligent.
- Nous objections beaucoup de choses à vos objections.
- Ils résident à Paris chez le résident d'une
ambassade étrangère.
- Ces cuisiniers excellent à composer cet excellent plat.
- Les poissons affluent d'un affluent de
la rivière.
Tonner, tonnerre, mais détoner, détonant, détonation. Pourquoi deux n dans certains mots et un seul à d’autres, alors qu’ils sont tous de la même famille ? Le radical vient du latin tonare « tonner ». Mais attention ! Il existe bien un autre verbe détonner avec deux n, qui veut dire « sortir du ton, chanter faux ».
Rubané, enrubanné. Pourquoi deux n
dans un mot et un seul dans un autre de la même famille ? Enrubanné :
garni de rubans. Rubané : 1. Couvert de traces étroites
et allongées. Marbre rubané. 2. Plat et mince comme
un ruban. Algues rubanées.
Sonner, dissoner. Même question. Dissoner vient
du lat. dissonare, sonner vient du lat. sonare.
En fait, c’est sonner qui constitue l’anomalie.
Verglas, verglacé. Verglas vient de verreglaz (XIIe)
de verre et glas, autre forme de glace, proprement
« glace comme du verre ».
Barrique (deux r), mais baril (un seul r) ! Baril vient du latin populaire barriculus, diminutif du latin barrica « barrique ». Même le baril de pétrole (158,987 l) vient de l'anglais barrel, qui compte deux r. A noter : les barricades étaient souvent faites de barriques.
Gratin ne prend qu'un t, alors qu'il vient bien du verbe gratter !
Sonner, sonnerie, sonnette, sonneur ; mais sonore, sonorité, sonoriser, dissonance, dissoner… Ces mots viennent du latin sonare, sonus, avec un seul n. Son redoublement ne s’explique donc pas.
Prud’homme ; mais prud’homal, prud’homie. Le Robert recommande prudhomme, prudhommal, prudhommie. Au féminin, les Suisses recommandent la forme prud’femme.
Diplôme, diplômer, diplômé, diplômant
; mais diplomate, diplomatie, diplomatique, diplomatiquement. L’Académie
ne dit rien sur ce point.
Ouvrage est un nom masculin. Mais il est féminin dans l’expression
populaire : C’est de la belle ouvrage.
Avènement, mais événement
: l’Académie française et le Petit Robert recommandent
évènement.
Règle, règlement, mais réglementer, réglementation,
réglementaire, réglementairement : l’Académie
recommande règlementer, règlementation, règlementaire,
règlementairement.
Tâter, tâtonner, tâtons, tatillon : pourquoi pas d’accent circonflexe à tatillon, alors que tous ces mots ont la même étymologie. Ni le Robert, ni l’Académie française ne mentionnent cette anomalie.
Septante, octante, nonante : Vous vous interrogez
sur une des bizarreries les plus célèbres de la langue française.
Pourquoi en effet dire soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt-dix,
alors que les formes septante, octante, nonante, en accord tout
à la fois avec le latin et le système décimal, sont
plus ou moins largement usitées dans divers pays francophones ?
Notre vocabulaire porte ici la trace d’un usage très ancien
et aujourd’hui disparu : au Moyen Âge, on avait coutume en France
de compter de vingt en vingt. Aussi trouvait-on les formes vint et dis
(30), deux vins (40), trois vins (60), etc. Saint Louis
fonda, par exemple, l’hospice des Quinze-vingts (des 300
aveugles). Ce système, dit « vicésimal », était
utilisé par les Celtes et par les Normands, et il est possible que
l’un ou l’autre de ces peuples l’ait introduit en Gaule.
Dès la fin du Moyen Âge, les formes concurrentes trente, quarante,
cinquante, soixante se répandent victorieusement. Pourquoi l’usage
s’arrête-t-il en si bon chemin ? Aucune explication n’est
vraiment convaincante. Peut-être a-t-on éprouvé le besoin
de conserver la marque d’un « calcul mental » mieux adapté
aux grands nombres (70=60+10, 80=4x20, 90=80+10). Reste la part du hasard
et de l’arbitraire, avec laquelle tout historien de la langue sait
bien qu’il lui faut composer...
C’est au XVIIe siècle, sous l’influence de Vaugelas et
de Ménage, que l’Académie et les autres auteurs de dictionnaires
ont adopté définitivement les formes soixante-dix, quatre-vingts,
quatre-vingt-dix au lieu de septante, octante, nonante. Il
est à noter pourtant que les mots septante, octante, nonante
figurent dans toutes les éditions du Dictionnaire de l’Académie
française. Encore conseillés par les Instructions officielles
de 1945 pour faciliter l’apprentissage du calcul, ils restent connus
dans l’usage parlé de nombreuses régions de l’Est
et du Midi de la France, ainsi qu’en Acadie. Ils sont officiels en
Belgique et en Suisse (sauf, cependant, octante, qui a été
supplanté par quatre-vingts et huitante –
en Suisse – tant dans l’usage courant que dans l’enseignement
ou les textes administratifs). Rien n’interdit de les employer, mais
par rapport à l’usage courant en France, ils sont perçus
comme régionaux ou vieillis. [http://www.academie-francaise.fr/langue/]
• Cuisseau de veau mais cuissot de chevreuil
ou de sanglier : l’Académie recommande cuisseau
dans les deux cas.
• Siffler et persifler : le Robert recommande persiffler.
• Charrette, charrue, chariot : l’Académie recommande
charriot.
• Le tréma peut se placer sur les voyelles e, i, u pour indiquer,
normalement, que la voyelle qui précède doit être prononcée
séparément et ne fait pas partie d'un digramme. Par exemple,
maïs # mais, aiguë # aigue-marine,
ambiguë. L’Académie recommande de mettre le tréma
sur le u quand la deuxième lettre est un e muet
(ambiguë devient ambigüe) ainsi que dans les
mots argüer et gageüre.
Imbécile, imbécillité : A l’origine
imbécile, venant de imbecillus, s’écrivait
avec deux l. En 1798, l’Académie française
décide de l’écrire avec un seul l, voulant
éviter la prononciation en [ij]. Maintenant elle préconise
d’écrire imbécilité.
Bonhomme, bonhomie : L’Académie recommande bonhommie.
Combattre, combattant, combatif, combativité : L’Académie
recommande combattif, combattivité.
Amour, délice et orgue peuvent être
masculins au singulier et féminins au pluriel.
Amour (au sens de « sentiment passionné ; passion
charnelle ») est souvent féminin au pluriel. Cependant, on
rencontre, soit dans un usage populaire qui se reflète dans divers
textes (chansons...), soit dans une langue littéraire assez recherchée,
amour au féminin singulier (« L’amour, la vraie,
la grande... » chez Anouilh ; « la grande amour »
chez Queneau ; « cette amour curieuse » chez Valéry
; Une amour violente, enregistré par l’Académie),
tandis que le masculin pluriel appartient à tous les niveaux de langue.
En dehors de ces sens, amour est presque toujours masculin, au
singulier comme au pluriel ; il l’est toujours quand il désigne
des représentations du dieu Amour.
Délice est généralement masculin au singulier
et féminin au pluriel. Cependant, après des expressions comme
un de, un des, le plus grand des, etc., suivies du complément
délices au pluriel, le masculin est conservé : un
de ses plus suaves délices...
Orgue, masculin au singulier, est généralement féminin
au pluriel quand il désigne de façon emphatique un seul instrument
(les grandes orgues de cette cathédrale), mais reste au
masculin quand il s’agit d’un vrai pluriel (les orgues anciens
de cette région). [Dictionnaire de l’Académie française,
http://www.academie-francaise.fr/dictionnaire/]
Gens gouverne le masculin, sauf quand il est immédiatement précédé par un adj. à forme féminine distincte : toutes ces bonnes gens, ces vieilles gens sont ennuyeux; tous ces braves gens sont hospitaliers. [Le Petit Robert]